jeudi 15 mai 2008

Prise en charge de la pré-eclampsie en milieu africain

Résumé:

La prééclampsie est une pathologie gravidique qui se manifeste par une hypertension artérielle apparue après la 20ème semaine et une protéinurie. Elle est relativement fréquente dans le monde, mais sa prévalence est en moyenne deux fois plus élevée en milieu africain que dans les pays développés. Au CHU de Dakar, elle survient chez 1,4 % des gestantes et concerne 15 % des états hypertensifs associées à la grossesse.
Son origine est clairement établie actuellement : il s’agit d’une anomalie de la placentation qui survient autour de la 12ème semaine d’aménorrhée sous l’influence de multiples facteurs d’ordre génétique (antécédents familiaux), physiologique (âge maternel, primigestité, grossesses multiples), pathologique (antécédent de prééclampsie) et socio-économique. En Afrique, le profil épidémiologique des patientes est habituellement celui d’une primigeste jeune avec une distribution selon l’âge en double bosse autour de 25 ans et de 35 ans. Les formes d’apparition tardive après la 29ème semaine sont les plus fréquentes (80 % des cas). L’appréciation de certains critères maternels (pression artérielle diastolique, diurèse, protéinurie, numération plaquettaire, fonction hépatique) et fœtaux (courbe pondérale, uricémie, quantité et coloration du liquide amniotique, rythme cardiaque fœtal) permet de distinguer 2 formes de prééclampsie : une modérée et une sévère. On observe une nette prédominance des formes sévères (88 %), probablement favorisée par le diagnostic tardif et la mauvaise qualité de la prise en charge pré-hospitalière.
L’évolution se fait généralement vers la guérison maternelle sans séquelles après l’accouchement (75 % de nos patientes). Mais le pronostic global reste très péjoratif à cause des complications maternelles et périnatales. Les complications maternelles sont universelles mais leur fréquence est nettement plus élevée en milieu africain que dans les pays développés. Il s’agit de l’hématome rétroplacentaire et de la crise d’éclampsie qui concernent respectivement 7,5 % et 16,4 % des prééclampsies. L’analyse des facteurs de risque chez nos patientes montre que ces complications sont plus fréquemment associées à la primigestité, à la sévérité de l’hypertension artérielle et à la précocité de survenue de la pré-éclampsie. En ce qui concerne le pronostic périnatal, il est également très péjoratif à cause de la mortalité périnatale élevée (470 pour 1000 naissances) et de la fréquence de l’hypotrophie fœtale (15 %). L’analyse des facteurs de risque de mortalité périnatale montre qu’elle est le plus souvent associée à la prématurité, à l’hypotrophie fœtale et à l’existence de complications maternelles. A long terme, les patientes ayant développé une prééclampsie sont exposées à une récidive au cours de la grossesse suivante (10 % dans notre expérience). Les aspects thérapeutiques sont très controversés aussi bien dans l’utilité et les modalités du traitement anti-hypertenseur que dans les indications d’interruption de la grossesse. Les anti-hypertenseurs d’action centrale comme l’alpha-méthyl dopa et la clonidine sont les plus prescrits (80 % de nos patientes), mais les inhibiteurs calciques sont de plus en plus utilisés dans notre pratique (56 %). Notre attitude obstétricale est apparemment très active avec un taux de 65% de césariennes mais la décision opératoire est souvent posée tardivement et en urgence pour un sauvetage maternel et/ou fœtal. La prévention est une voie d’avenir, mais pour l’instant seul l’acide acétylsalicylique a fait la preuve de son efficacité chez les patientes à haut risque.
Mots clés : Prééclampsie, Hypertension artérielle, Eclampsie, Mortalité maternelle